Pourquoi l'histoire des " Gueules Cassées " ne commence-t-elle réellement qu'avec la " Grande Guerre " de 1914-1918 ?
Pour deux raisons essentielles :
Par rapport aux guerres du siècle précédent, le nombre de blessés et la nature des blessures ont radicalement changé.
Il faut rappeler le nombre incroyable et jamais vu jusqu'alors des pertes de cette guerre.
1 400 000 morts français
2 040 000 morts allemands
850 000 morts anglais
114 000 morts américains
1 700 000 morts de l' empire russe
1 500 000 morts autrichiens hongrois.
En Europe, au lendemain de la guerre, on compte environ 6,5 millions d' invalides, dont près de 300 000 mutilés à 100 % : aveugles, amputés d'une ou des deux jambes, des bras, et blessés de la face et/ou du crâne.
L'emploi massif des tirs d'artillerie, les bombes, les grenades, le phénomène des tranchées où la tête se trouve souvent la partie du corps la plus exposée ont multiplié le nombre des blessés de la face et la gravité des blessures.
Les progrès de l'asepsie et les balbutiements de la chirurgie réparatrice permettent de maintenir en vie des blessés qui n'avaient aucune chance de survivre lors des conflits du 19ème siècle.
Quelle vie après la survie ?
Ces broyés de la guerre gardent la vie, mais c'est pour vivre un nouveau cauchemar.
Les regards, y compris parfois, ceux de leur famille, se détournent sur le passage de ces hommes jeunes, atrocement défigurés.
Ils ont honte de se montrer, ils ne savent où aller. Ils sont sans travail et rien n'a été prévu pour eux. Ni foyer entre deux opérations, la reconstruction du visage pouvant nécessiter plusieurs années, ni pension, car à cette époque la blessure au visage n'est pas considérée comme une infirmité et n'entraîne donc aucun droit à pension d'invalidité.
C'est dans cet abîme de détresse que quelques-uns d'entre eux, refusant le désespoir et la pitié, s'élevèrent au-dessus de leur condition de mutilé pour proclamer leur humanité.
Le 21 juin 1921, à l'initiative de deux « grands mutilés», Bienaimé Jourdain et Albert Jugon, une quarantaine de soldats blessés au visage créent l'Union des Blessés de la Face, qu'ils surnomment les " Gueules Cassées " :
Ils en confient la présidence au Colonel Yves Picot.
leur devise " Sourire quand même ",
leur arme, la Solidarité.
Une solidarité sans faille qui a permis d'assurer à leurs camarades, sans jamais demander la moindre aide à l'Etat, une vie digne des sacrifices qu'ils avaient consentis au nom de la France.
Ce combat sans fin se poursuit aujourd'hui. Dans une totale fidélité à ses initiateurs, il s'est élargi à d'autres souffrances, à d'autres misères humaines.