Biographie du Colonel Picot, Président Fondateur des « Gueules Cassées »
Biographie de Bienaimé Jourdain, Premier Secrétaire Général des « Gueules Cassées »
Biographie d'Albert Jugon, Secrétaire Général des « Gueules Cassées »
Né à Brest le 17 mars 1862, Yves-Emile PICOT est engagé volontaire dès 1881 puis entre à Saint-Cyr, promotion des Pavillons Noirs (1882-1884).
Sorti très brillamment, il tint garnison dans plusieurs villes de France. La guerre le trouva Chef de bataillon au 57ème Régiment d'Infanterie, à Libourne.
Breton jusqu'à la moelle, il mena le combat à la tête de ses mille Cadets de Gascogne, avec courage et bonne humeur. Toujours placé à un poste avancé, les ordres de retraite ne lui parvenaient qu'avec plusieurs heures de retard. C'est ainsi qu'à Nouvion-en-Thiérache, dépassé par les Allemands, il dut s'ouvrir un chemin à la baïonnette pour aller rejoindre nos avant-gardes devant Guise et prendre part avec elles à la bataille défensive qui devait couvrir le recul. Le lendemain, il retrouvait son régiment. Il fait la Marne, et le 13 septembre 1914, enlève Corbény.
Citation à l'ordre du 18ème Corps d'Armée :
"Le Commandant PICOT, du 57ème Régiment d'Infanterie, a conduit son bataillon à l'attaque du village de Corbény, le 13 septembre 1914, avec une décision et un sens tactique remarquable. A réussi, grâce à ses habiles dispositions et à la vigueur de son attaque, à enlever le village presque sans perte."
A la suite de ce fait d'armes, il est nommé Lieutenant-Colonel, et mis, le 24 septembre, à la tête du 249ème Régiment d'Infanterie. On le retrouve au Chemin des Dames, notamment à Beaurieux, puis à Verdun ; il se distingue sous Douaumont, où il est promu, en mai 1916, Officier de la Légion d'honneur, pour faits de guerre :
"Chef de Corps de la plus grande valeur et du plus haut mérite. Au front depuis le début de la campagne, chargé de tenir avec son régiment, pendant la période du 8 au 17 mai, un secteur particulièrement bombardé, a fait preuve des plus belles qualités d'autorité, de sang-froid et d'énergie, notamment pendant l'attaque ennemie du 12 mai, qui échoua complètement sur le front de son unité."
Puis c'est l'Argonne, et enfin la Somme, où il est grièvement blessé à la face, à Belloy-en-Santerre, le 15 janvier 1917.
Il sera évacué au Val-de-Grâce.
Citation à l'ordre de la 10ème Armée, le 20 janvier 1917 :
"Chef de Corps plein de bravoure, de vigueur et d'entrain, se dépensant sans compter. A été grièvement blessé par un éclat d'obus au visage, lui arrachant un œil, au cours d'une des nombreuses reconnaissances qu'il avait dû faire, pour étudier et arrêter les détails de l'organisation de son secteur, dont il venait de prendre le commandement."
Nommé Colonel, il fut promu au grade de Commandeur et fut, par la suite, élevé à la dignité de Grand Officier de la Légion d'honneur en 1933.
De 1919 à 1932, il représenta le département de la Gironde à la Chambre des Députés, où il fut Président du Groupe des députés anciens combattants, Membre de la Commission des pensions, Vice-président de la Commission de l'Armée et de la Commission de la Marine. Enfin, il fut Sous-secrétaire d'Etat au Ministère de la Guerre en 1926, dans le 10ème cabinet Briand.
A ce titre, il représenta le Gouvernement français en différentes circonstances, et notamment à Prague, en 1926, aux manifestations sportives des Sokols. Il fut également chargé d'aller inviter l'American Legion, qui vint l'année suivante tenir son Congrès à Paris. En 1931, il fut encore chargé de mission par le service de la propagande aux Etats-Unis, où il eut à remettre une distinction honorifique à une généreuse philanthrope, grande amie de la France, Mme Strong, bienfaitrice des "Gueules Cassées". Enfin, en qualité de membre du Comité d'action pour la Société des Nations, il participa à une active propagande en faveur de la paix.
Membre de l'Office national des Mutilés et Réformés depuis sa fondation, il en était depuis de nombreuses années le Vice-président.
En 1932, il abandonne la vie politique pour consacrer tous ses efforts à ses compagnons de guerre, pour lesquels il avait fondé dès 1921, avec Bienaimé Jourdain et Albert Jugon et une quarantaine d’autres camarades : l'Union des Blessés de la Face.
Il apporta en toutes circonstances au monde des anciens combattants l'appui de l'autorité attachée à son nom et un dévouement sans limite.
Il décède le 19 avril 1938 au Domaine du Coudon à La Valette-du-Var.
Il repose au cimetière de Moussy-le-Vieux, en Seine-et-Marne, au milieu de ses camarades « Gueules Cassées ».
C’est le Général Rollet, le père de la Légion, qui lui succèdera à la présidence des « Gueules Cassées ».
Le nom des « Gueules Cassées »
Extrait du livre : Le Colonel Picot et les « Gueules Cassées » -écrit par Noëlle Roubaud et l’abbé Raymond-Noël Bréhamet, Aumônier national des « Gueules Cassées ».
…C'est ici que se place un fait, qui va conférer un nom immortel aux héros "baveux".
Une fête patriotique était donnée à la Sorbonne. Le colonel Picot, la tête encore emmaillotée, désirait s'y rendre.
Du Val-de-Grâce au boulevard Saint-Michel, il n'y avait qu'un pas et Picot, tout joyeux de cette cérémonie, se présenta au guichet. Là, un garde l'arrêta :
- Avez-vous, monsieur, une invitation ?
- Non, mais je suis mutilé de guerre, colonel en service, et actuellement au Val-de-Grâce.
- Impossible, monsieur, de vous laisser passer si vous n'avez pas une convocation.
- Mais, enfin… tout de même !
- Je vous demande pardon, monsieur.
A ce moment, Picot fut légèrement bousculé par un homme qui, sortant rapidement une vague carte de sa poche, dit entre ses dents : « Député ! » et passa, salué respectueusement par le garde.
Picot n'insiste pas, serre les poings, va sur la place de la Sorbonne, en fait le tour deux ou trois fois et s'aperçoit brusquement du départ du garde. Aussitôt, il bondit, passe le tourniquet, sort une vague carte de sa poche, comme le député, et comme lui grommelle : "gueule cassée". On s'efface, et Picot entre fièrement dans la place. C'est ce nom qui désignera désormais les blessés de la face…
Né à Tourville, près de Cherbourg, le 20 décembre 1890, Bienaimé Jourdain fut mobilisé comme sergent d’infanterie dès les premiers jours de la guerre 1914-1918.
Avec son régiment, le 36ème d’infanterie, il prit part aux combats meurtriers qui permirent d’arrêter l’envahisseur.
Il fut parmi les premières victimes de la Marne et reçut une première très grave blessure en septembre 1914. Après plusieurs mois, il put reprendre sa place dans son unité, à l’époque où furent lancées les offensives de l’Artois, de Vimy, de Notre-Dame–de-Lorette.
C’est là, dans les ruines de Neuville-Saint-Vaast, que le 1er juin 1915, il fut atteint d’une vaste mutilation de la face et qu’il devint « Gueule Cassée ».
Pendant près de cinq ans il vécut dans les services hospitaliers spéciaux où l’on soignait les blessés de la face au « 5ème blessés » du Val-de-Grâce, au pavillon 7 de l’hôpital Rothschild, au Carmel rue Denfert-Rochereau, etc.
Puis, vint le dur moment de la réadaptation à la vie civile, l’époque où l’ancien poilu au visage imparfaitement restauré dut s’habituer aux curiosités attristées, aux compassions inopportunes…
Les mutilés qui s’étaient fixés dans la capitale parce qu’ils pensaient pouvoir passer inaperçus se rencontrèrent dans la rue. Et ce fut au cours d’une de ces rencontres de Jourdain avec Jugon que l’idée de faire « quelque chose » pour les camarades se concrétisa.
Un certain jour de juin 1921, une quarantaine de mutilés de la face se réunirent autour d’un des leurs : le Colonel Picot.
Désormais, ils eurent un nom : Les « Gueules Cassées » et la vie de Jourdain s’identifia intimement et totalement avec l’œuvre qui venait de naître.
Il consacra toute son existence à l’Union des Blessés de la Face, à ses anciens camarades d’hôpital : il fut à l’initiative de toute une série de moyens d’entraide au profit des « Gueules Cassées » : allocation maladie, décès, orphelins, bourses d’études, rééducation, prêt d’honneur. Il fut également à l’origine de la création du centre d’appareillage maxillo-facial dirigé à l’hôpital Lariboisière par le docteur Ponroy, puis celui de Rennes dirigé par le Commandant Virenque.
Pour couvrir les lourdes charges liées à ces aides sociales, Jourdain développa avec ses camarades des galas de bienfaisance, puis la souscription « La Dette » qui amena l’Etat à créer la Loterie Nationale,
puis aux « Gueules Cassées » de lancer leurs fameux « Dixièmes ».
Puis vint la Seconde Guerre mondiale durant laquelle Jourdain mettra toute son énergie pour maintenir l’œuvre. Il se replie à la Chaumette à Joué-lès-Tours.
Après la disparition de la ligne de démarcation, la Provence et le Coudon sont occupés. Jourdain fait évacuer le Coudon, à temps, qui sera anéanti par un bombardement aérien le 29 avril 1941. Il lance une souscription ouverte aux seuls « Gueules Cassées » pour relever le Coudon, dont il suit avec passion les projets de reconstruction.
Malgré la maladie qui le minait, il organise la première Assemblée Générale d’après-guerre, le 1er février 1948.
Il s’éteint le 17 août 1948.
Il repose au cimetière de Moussy-le-Vieux au milieu de ses camarades.
Bienaimé Jourdain était titulaire de la Croix de guerre, de la Médaille Militaire et de la Croix d’Officier de la Légion d’honneur.
Né à Montreuil-sur-Ille, au cœur de la Bretagne, le 3 octobre 1890, Albert Jugon, fut mobilisé le 2 août 1914 au 1er Régiment d’Infanterie Coloniale avec lequel il partit pour le Nord de la Belgique. Il prit part aux combats épiques de « Rossignol » qui eurent pour résultat de freiner la marche de l’envahisseur et de rendre possible la contre-offensive victorieuse de la Marne.
Son régiment replié en Argonne, se trouvait le 16 septembre 1914 à Ville-sur-Tourbe où il fut pris sous un violent bombardement. Horriblement blessé par éclats d’obus, il fut laissé pour mort sur le bord de la tranchée. Pendant plusieurs semaines, il resta entre la vie et la mort.
Grâce aux soins prodigués par les professeurs Moure à Bordeaux et Morestin au Val-de-Grâce à Paris, il retrouva de nouvelles forces et sa première idée fut de « penser aux autres d’abord ».
Il s’improvisa l’infirmier de ses frères de souffrance, accomplissant les besognes les plus modestes et les plus touchantes, allant d’un lit à l’autre, prononçant à l’oreille de ceux qui souffraient les mots qui apaisent les douleurs, ceux qui réconfortent les âmes.
Il fut l’un des cinq grands mutilés qui assistèrent comme témoins, à la demande de Clémenceau, à la signature du traité de Paix de Versailles le 28 juin 1919.
Après quatre années de traitement, il sortit de l’hôpital et rencontra Bienaimé Jourdain. Ils eurent ensemble l’idée de réunir les blessés de la face en une association autour d’un des plus glorieux d’entre eux : le Colonel Picot.
Jugon fut un grand animateur de l’Union des Blessés de la Face. Il s’occupait des détails, était omniprésent, exécutait les décisions et assurait le contact humain avec les blessés de la face dans la peine et l’adversité.
Durant la Seconde Guerre, Jugon eut la mission de sauver Moussy.
A la mort de Jourdain en 1948, Jugon devint Secrétaire Général, secondé par deux jeunes camarades Louis Duroueix et Pierre Legrand. C’est sur lui que reposèrent, pendant les dix années qui suivirent, les destinés de l’Union.
Soutenu par son idéal de solidarité humaine, il sut une fois de plus faire face aux événements en accueillant dans les rangs des « Gueules Cassées » les nouvelles victimes de guerre venant d’Indochine et d’Algérie.
Il s’éteint le 27 avril 1959. Il repose au cimetière de Moussy-le-Vieux au milieu de ses camarades.
Albert Jugon était Officier de la Légion d’honneur, médaillé militaire, titulaire de la Croix de guerre avec palme, au titre de ses blessures.